Ouvrages fondateurs

Nous allons ici décrire les principales œuvres, choisies forcément avec une subjectivité toute personnelle.

1. Les chaises. 

Les Chaises est l'une des pièces les plus connues d'Eugène Ionesco. Elle est en effet assez représentative des principaux aspects de son théâtre, de ses trouvailles.

Une mise en scène des Chaises
Ionesco est tout d'abord l'inventeur du mécanisme de prolifération, figurant très fortement la sensation d'étouffement, de perte du contrôle, voire de cauchemar (d'ailleurs, le théâtre de Ionesco est comme du théâtre en rêve). Voir ainsi à la fin de la pièce lorsque la vieille apporte un nombre incroyable de chaises, pour essayer de faire s'asseoir tous les invités invisibles. Ce mécanisme fait penser à son autre pièce, Victimes du devoir, où Madeleine remplit la scène de tasses à café, ou à Amédée ou Comment s'en débarrasser lorsque le mort grandit avec la plus grande démesure. Ce mécanisme est bien une invention de Ionesco, et traduit toute son angoisse face à un phénomène incontrôlable et cauchemardesque, qui grandit avec la peur que sa poussée engendre. Ce cercle vicieux se retrouve également dans Jeux de massacre, lorsque les gens se tuent entre eux, même bien portants, par crainte que l'autre ne puisse contaminer.

Pour revenir à la pièce, les invités que reçoit le couple de vieillards ont la particularité d'être ce qu'ils ne sont pas. En effet, ce sont des fantômes, des paroles sans auteur, des présences sans personne, des êtres dans le néant. Ce mot est à retenir, car il est le véritable thème de la pièce, son topos. Il se retrouve également dans les discours opposés de sens, donc mêlés, vides de toute logique, lorsque la vieille et le vieux décrivent leur fils totalement différemment. En outre, le néant est présent à travers l'échec du vieux qui, bien que très vieux, n'a jamais eu d'amis, n'a rien connu, et dont le produit de toute son existence (95 ans) est le fameux « Message » que les invités sont censés entendre à la fin de la pièce. Hélas, comble de l'ironie, l'orateur qui doit le leur dire, est muet. Ainsi tous ces mots, tous ces actes sourds, finissent par un silence. Et, le vieux et la vieille, avant que le mutisme de l'orateur ne soit révélé, se jettent à travers des fenêtres opposées.

La présence illusoire des chaises finit par la solitude dans la mort, et toutes les formules de politesses et les flatteries finissent par le silence dans l'échec, soit, en un mot : par du néant.

On peut en déduire enfin, que Les Chaises ne relève pas, ou tout du moins pas uniquement, du théâtre de l'absurde, mais aussi du théâtre fantastique. Le terme "fantastique" est ici à prendre dans le sens du registre, c'est-à-dire l'intrusion de l'irrationnel dans le réel, et ne peut souffrir aucune comparaison avec les œuvres contemporaines que l'on nomme de la même manière.

 Un court extrait de Les Chaises mis en scène par L. BONDY.

2. En attendant Godot 

Il s'agit d'une pièce absolument indescriptible. Deux badauds se retrouvent sur scène, on sait qu'ils attendent ce fameux Godot, mais ils ne savent plus pourquoi. Et la pièce développe leurs sentiments respectifs, leurs peurs, leurs angoisses. Un chef d'œuvre absolu, rien n'a été écrit de comparable. L'apparente sobriété du propos cache la complexité des sentiments et des conflits qui se jouent.

Brève interview de Beckett.

3. Le ping-pong

Deux jeunes amis, obsédés par le billard électrique dont ils jouent interminablement, entreprennent de la maîtriser - et de trouver ainsi la fortune et l'amour - en s'approchant de son "créateur". Cela, en investissant - et inventant - les prétendus proches dudit créateur. Mais cette démarche à demi délirante les mène à voir la réalité sociale.

4. Le mythe de Sisyphe 

Pour Camus, Sisyphe est le héros ultime de l’absurde. Il a été condamné pour avoir défié les dieux et combattu la mort. Les dieux ont pensé qu’ils avaient trouvé une forme parfaite de torture pour Sisyphe, qui attendrait l’impossible, que la pierre reste au sommet de la montagne. Les dieux pensaient générer une frustration permanente, fondé sur l’espoir sans cesse renouvelé de Sisyphe.
Pourtant, défiant à nouveau les dieux, Sisyphe est sans espoir. Il abandonne toute illusion de réussite. C’est à ce moment de désillusion que Camus considère Sisyphe comme un héros. Sisyphe commence à voir sa capacité à continuer, encore et encore, à supporter le châtiment, comme une forme de victoire.
La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir le cœur d’un homme. Nous devons imaginer Sisyphe heureux, heureux d’accomplir son devoir d’homme, celle de continuer à vivre malgré l’absence de sens du monde.

 Pour montrer le génie de Camus, voici une reprise modernisée du Mythe de Sisyphe